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Culture Boxe

Edwin Valero (1981-2010), Inca perdu

Par    le 5 janvier 2011

Le 19 avril 2010, le Vénézuélien Edwin El Inca Valero, 28 ans, détenteur de la ceinture WBC des poids Légers, se suicide dans la cellule où il est retenu pour le meurtre de sa femme, Jennifer Carolina de Viera, 24 ans.

Une descente aux enfers faite de dépression, de drogue et d’alcool, de violences domestiques, de séjour en HP et d’accidents de la route.

Retour sur une trajectoire déboussolante.

FOU, BRILLANT ET INCONTRÔLABLE

Talent brut, hyperactif dans la vie comme sur le ring, le Vénézuélien n’est jamais allé au bout d’un combat. Plus précisément, aucun de ses adversaires n’a jamais tenu la limite. Avec 27 KOs en 27 combats dont une série inaugurale de 17 KOs au premier round, Valero a prouvé qu’il avait du plomb dans les poings.

Nous sommes fin 2008. Valero est engagé comme sparring partner par Oscar de la Hoya pour l’aider à préparer le combat qui va l’opposer à Manny Pacquiao. A priori, le Vénézuelien a le profil : gaucher et rapide de bras comme le Philippin. Pourtant il est vite prié de regagner ses pénates vénézueliennes, renvoyé pour avoir rossé son nouveau boss sur le ring. Dans la foulée, le vieil Oscar perd le combat et prend une retraite bien méritée.

Malgré ces faits d’armes, la carrière du natif de Bolero Alto stagne de manière inquiétante.

L’Inca Valero n’a combattu qu’une fois au États-Unis et n’est pas le bienvenu chez l’Oncle Sam. Il faut dire que le bonhomme ne fait rien pour se rendre sympathique. En 2001, un accident de moto sur le bitume de Caracas lui vaut une opération à crâne ouvert. Un petit caillot près du cerveau squatte désormais les scanners cérébraux du Vénézuélien et complique l’émission des autorisations médicales nécessaires pour combattre aux États-Unis.

Pire, en 2008 toujours, il est arrêté à Las Vegas, ivre mort au volant. Relâché, il rentre au pays et marque le coup en se faisant décorer le torse d’un immense drapeau de son pays accompagné, cerise sur le gâteau, du portrait d’Hugo Chavez, le pourfendeur de l’impérialisme américain…

L’horizon s’éclaircit lorsque, le 6 février 2010, à Mexico, il domine Antonio DeMarco en 9 rounds et conserve sa ceinture WBC des Légers. Le combat est retransmis aux Etats-Unis et Valero, auteur d’une belle performance, est tout proche de décrocher un gros combat contre un grand nom. Il réclame d’ailleurs qu’on lui donne sa chance contre Manny Pacquiao.

LA DESCENTE AUX ENFERS

Deux mois et demi plus tard, c’est le drame. Pendant deux semaines, les frasques du Vénézuélien s’étalent dans les journaux du monde entier. Il brutalise d’abord sa femme avant de menacer les urgentistes de l’Hôpital Universitaire de Los Andes où elle est soignée.

Dans la foulée, il est interné à l’Hôpital psychiatrique de San Juan de Dios pour soigner une profonde dépression. Valero est dans un état psychologique pitoyable et carbure depuis plusieurs mois à l’alcool et à la cocaïne.

Pourtant, il ne fait pas long feu en HP. L’intervention du Gouverneur – sympathisant chaviste, comme lui -, lui rend sa liberté. Objectif Cuba pour une cure de désintoxication alcoolique.

Il n’y posera pas les pieds. Dans un état second après une nuit de défonse, il crashe sa voiture le jour du départ.

Quelques jours plus tard, l’Inca fou poignarde sa femme dans leur chambre d’hôtel de Valencia. Interpellé par la police, il se pend en accrochant son pantalon aux barreaux de sa cellule.

« UN HOMME TRES VIOLENT »

Les langues se délient immédiatement après sa mort et dessinent le tableau d’un homme violent et instable.

Ses proches le décrivent comme « une personne très violente » qui a terrifié la famille de sa femme pendant des années. Jouissant du soutien des autorités vénézuéliennes, Valero, chaviste convaincu, était intouchable dans son pays natal. Ces relations, ajoutées à une réputation de héros national, le mettaient à l’abri des punitions que ses frasques méritaient.

L’oncle de sa femme, Evelio Finol, a accusé l’Etat vénézuélien et affirmé que Valero droguait sa femme depuis des années. Source BoxingScene.com :

[Nous n’avons jamais rien dit car] nous étions menacés de mort. Nous sommes responsables de ce qui est arrivé, mais les autorités et Hugo Chavez le sont aussi. Valero, en tant qu’athlète, jouissait d’un traitement particulier : ils sont donc, eux aussi, responsables.

La mort de Jennifer ne doit pas rester impunie. S’il avait été envoyé en hôpital psychiatrique, ils auraient dit qu’il n’était pas fou. Il maintenait Jennifer droguée depuis janvier, à Caracas. Il la forçait à prendre de la drogue, sans quoi il les auraient tués, elle, ses enfants et sa mère. Durant leurs dix ans de mariage, elle a toujours été menacée de mort.

Dans le même article, la mère de Valero a déclaré que son fils abusait de l’alcool et des drogues depuis plus de dix ans.

« UN REGARD DE FOU »

Boxistiquement parlant, le style de Valero était exceptionnellement violent. Plus d’une fois, les fans et les médias ont parlé de ses « yeux de fou ». Sur certaines photos, on aurait dit un méchant de cinéma. Valero était un boxeur doté d’une puissance étonnante qui paraissait remonter de ses tréfonds les plus intimes.

Par nature la boxe est un sport violent. Selon Kieran Mulvaney d’ESPN, beaucoup de boxeurs montrent une énorme rage sur le ring. Valero était de ceux qui ne pouvaient la circonscrire au ring. Il l’emmenait partout avec lui.

Jusque dans la tombe.

NZ

Edwin Valero (1981-2010), Inca perdu