Tout plutôt qu’un vrai boulot — Tex Cobb (42-7-1)

Culture Boxe

Photo de Willy Vainqueur

Vendredi 1er octobre, rendez-vous à Aubervilliers pour rencontrer Sarah Ourahmoune, plusieurs fois championne de France, championne d’Europe en 2009 et championne du monde en 2008. Dans le bureau qui surplombe les deux rings du Boxing Beats, Sarah et son entraîneur Saïd Bennajem passent des coups de fils et s’activent pour monter de nouveaux projets : galas, débats sur la boxe féminine, stages, voyages…

Salut Sarah, alors objectif Londres 2012 ?

Sarah : Oui, le mois dernier j’ai fait ma dernière compète en 48 kg et là je passe en 51 kg pour la qualif olympique (NDLR : c’est la première fois que la boxe féminine sera représentée aux JO). Il n’y a que trois catégories (51, 60 et 75 kg) avec 12 places par catégorie. Ça va être chaud.

Comment va se passer la préparation ?

Sarah : La préparation se fait en club et, en plus, on a les sélections en équipe de France. Au niveau investissements, il reste beaucoup à faire mais, pour préparer les jeux, on va essayer de faire des tournois et des combats à l‘étranger avec le club.

Il n’y a pas de section boxe féminine à l’NSEP ?

Saïd : Ils parlent d’en faire une mais…

Sarah : Je pense que ce sera plus après 2012, s’il y a des résultats aux Jeux.

Donc plutôt préparation en club ?

Sarah : Oui, mais ça ne me gêne pas, c’est bien.

Saïd : Moi aussi, je préfère la préparer moi-même : ça fait 15 ans qu’on bosse ensemble.

Quand est-ce que tu as commencé la boxe ?

Sarah : A 13 ans. J’ai fait une année en boxe éducative et je suis passée amateur l’année d’après. Je n’étais pas venue dans l’intention de faire des combats, je ne savais même pas que les filles pouvaient en faire. A l’époque tu faisais un ou deux combats et tu étais en finale des championnats de France.

Et l’équipe de France ?

Sarah : Pour moi ça a commencé en 1999, quand ils ont organisé une coupe d’Europe à Mâcon. J’étais junior et ils m’ont surclassée. Après ça a continué jusqu’à aujourd’hui sauf une coupure de 4 ans.

Tu as fait quoi pendant ces 4 ans ?

Sarah : J’ai arrêté le sport sauf un peu de Taekwondo. Je me suis surtout consacrée à mes études d’éducateur spécialisé. Il fallait passer des concours et la boxe n’était pas compatible avec l’école d’éducateur.

Tu as aussi suivi des cours à Sciences Po ?

Sarah : Oui, avec la fondation Lagardère : ils ont ouvert un cursus pour les sportifs de haut niveau. J’y suis toujours.

Comment c’est organisé ?

Sarah : D’abord tu suis un programme de deux ans. C’est une sorte de remise à niveau qui te permet aussi de voir ce qui t’intéresse. Après tu intègres les cours petit à petit soit en choisissant des cours à la carte, soit en passant les concours pour entrer en master. Il y a une bonne préparation, un bon encadrement et on est suivi par un tuteur prof à Sciences Po.

Tu as des horaires aménagés ?

Sarah : Non, mais on peut suivre les cours à distance ou prendre rendez-vous avec les profs pour rattraper les cours.

Tu es partie pour faire quoi à Sciences Po ?

Sarah : En janvier je vais commencer un master Action dirigeante et gestion d’association. C‘est bien, c’est dans ma branche et c’est ce que je voulais faire. Ensuite, je voudrais créer un centre social pour accueillir des jeunes enfants placés par l’aide sociale à l’enfance.

Et tu vas bénéficier de la même organisation avec la possibilité de suivre les cours à distance ?

Sarah : Non, là on est logé à la même enseigne que les autres étudiants. Ça va être un peu compliqué de s’organiser, avec les stages et les compètes.

Tu vas préparer les JO pendant ton master ?

Saïd : C’est une extraterrestre ! Avant l’entraînement elle travaille, après l’entraînement elle travaille, avant de dormir elle travaille. Elle est capable de faire des maths pendant que je lui donne la leçon !

Sarah : Il faut que je place mes deux entrainements, un le matin, un le soir, et que je suive les cours entre les deux.

Parlons de la boxe féminine, vous avez beaucoup de filles au Boxing Beats ?

Saïd : Oui, je crois qu’on est le plus gros club de France.

Saïd, tu as été l’un des premiers entraineurs à faire boxer des filles en France ?

Saïd : Oui, grâce à Sarah. Elle voulait faire du Taekwondo et à la sortie, 15 ans de boxe. A l’époque il y avait beaucoup d’apriori sur la boxe féminine genre « les nanas c’est pour la cuisine… ». Moi je lui ai juste dit de venir essayer. Au départ, on ne parlait même pas de compète, c’est venu comme ça. C’est surtout une belle rencontre.

Sarah, tu sens que les mentalités ont évolué ?

Sarah : Un tout petit peu. Mais c’est vrai que quand je suis arrivée, c’était un peu choquant pour les gens qui s’entraînaient et puis on n’avait pas de vestiaire. Chez nous, les gens sont habitués. Parfois, il y a plus de femmes que d’hommes à l’entraînement.

Saïd : On a vraiment choisi de développer la boxe féminine avec des inscriptions gratuites pour les femmes, par exemple. Et puis il y a eu le reportage sur M6 (NDLR : reportage « La rage de vaincre : deux filles sur le ring » diffusé dans Zone Interdite le 5 novembre 2009) et l’annonce des JO. Ça commence à se développer.

Et à Sciences Po, les gens étaient réceptifs ?

Sarah : C’est vrai qu’au début je me demandais si on n’allait pas être un peu à l’écart du fait qu’on soit des sportifs, qu’on n’entre pas par la même porte mais en fait ça c’est vraiment bien passé. Après le reportage de Zone Interdite, les gens sont spontanément venus vers nous.

L’année dernière, vous avez participé au forum du sport à Sciences Po ?

Sarah : Oui, il y avait un ring gonflable dans l’entrée. On a fait des démonstrations. Je pensais que les étudiants appréhenderaient un petit peu et qu’ils ne viendraient pas tester mais au bout du compte il y en a pas mal qui ont mis les gants.

Saïd : J’ai donné des explications pendant la démonstration et ils étaient super curieux. Je leur ai expliqué ce qu’on faisait, les différentes phases de la boxe. C’était un public vachement attentif, intéressé. Tu sais, la boxe quand tu expliques aux gens que ce n’est pas seulement des coups de poings dans la gueule… C’était une bonne expérience !

Pour finir, dis-nous quels sont vos derniers projets au Boxing Beats.

Sarah : On fait pas mal de projets avec les jeunes, des sorties, de l’aide scolaire. Là on travaille sur une journée consacrée au sport féminin avec un débat et un gala de boxe féminine pour décembre.

On a aussi monté un cours de « Dynamic Boxe » pour les femmes. C’est une séance de cardio-training en musique avec mouvements de boxe, corde, exercices d’aérobie et de STEP. N’hésitez pas  venir essayer.

Pour plus d’infos sur les activités du Boxing Beats : www.boxingbeatsclub.com

Pour suivre l’actu de Sarah sur son blog : sarah.ourahmoune.over-blog.com

Interview réalisée par nicolas@zeisler.fr

RENCONTRE avec Sarah Ourahmoune : boxe féminine, Sciences Po et JO