Tout plutôt qu’un vrai boulot — Tex Cobb (42-7-1)

Culture Boxe

Manny ! Manny ! Manny !

Par    le 14 novembre 2010

Manny ! Manny ! Manny ! Tous les spectateurs, y compris ceux qui ont regardé le combat devant un écran d’ordinateur, crient d’une seule voix le nom du champion. Réaction primaire et spontanée après la nouvelle démonstration de Pacquiao, toujours avec le sourire s’il vous plaît.

Le petit philippin face à l’ogre mexicain : 7 kilos de différence ! Manny le Congressman distrait par ses responsabilités politiques pendant que Margarito prépare son combat comme Rocky sa vengeance contre Drago… Les scénaristes médiatiques ont réussi à nous vendre un combat indécis voire dangereux pour Pacquiao. Mais les commentateurs ont rétabli la balance hier en rappelant les surnoms oubliés du champion comme un récital : « Amazing Manny » ; « A natural fighter » ; « The best champion I have ever seen » etc.

Dès le premier round, un éclair s’abat comme une évidence : il est beaucoup trop rapide ! Dans nos articles après l’annonce du combat, on avait prévenu le Mexicain. En vain, les jambes de Manny, sa science incroyable du déplacement ont paralysé son adversaire. Comme égaré, Margarito a erré sur le ring en cherchant désespérément le chemin qui mène à Pacman. Une mission impossible. Le philippin n’est jamais là où on l’attend. A peine a-t-il lâché ses coups qu’il désaxe puis effectue un pas de côté ultra-rapide, à nouveau en position de frappe mais à l’abri des contre-attaques. A chaque fois, les poings de Margarito fendent l’air. Ceux de Pacquiao sont d’une précision diabolique, touchant systématiquement leur cible quel que soit l’angle de tir. C’est la signature de notre champion : sa capacité à frapper juste dans toutes les positions.

Ma connexion internet tourne au ralenti… Après vérification, le problème n’a rien à voir avec le web : c’est le mexicain qui rame. Son jab paraît terriblement lent et inefficace, sa droite est lancée comme un pauvre projectile inoffensif. Robert Garcia partage ses inquiétudes avec son poulain dès qu’il s’assoit : « Jab, Jab, Jab puis tu lances la droite. Mais rapide la droite, pas comme ça ! » Facile à dire mais Margarito fait de son mieux : c’est Manny qui bouleverse notre rapport à la vitesse. Tout le long des 12 rounds, on assistera à un affrontement rythmé par deux tempos radicalement différents.

Je me souviens que Margarito s’est moqué de Clottey, le punching-ball qui a amusé Pacquiao au début de l’année. Le temps des premiers rounds, je constate que le Mexicain adopte la même posture statique et subit la même punition honteuse : en garde, spectateur, lançant un jab pour la forme et le respect des consignes de son entraîneur ; dès qu’il tente quelque chose, il laisse s’engouffrer les poings rageurs de Manny. Mais je sous-estime le courage de l’homme à la recherche de sa rédemption. Bientôt, Margarito parvient à attirer son opposant dans les cordes, travaille au corps-à-corps avec des coups parfois redoutables et bien placés. Le combat offre alors des moments d’intense bagarre, d’autant que le Philippin n’est pas du genre à fuir ces défis guerriers.

Sans aucun doute, étant donné le poids de Margarito, les coups que reçoit Pacquiao sont les plus lourds qu’il ait jamais reçus dans sa carrière. Certains ralentis montrent des uppercuts violents qui maltraitent sa tête. Pourtant, on ne tremble jamais. Les attaques du Mexicain sont des barouds d’honneur sporadiques et non des agressions systématiques. Rien qui puisse entraver la chorégraphie parfaite de Manny, maître aussi dans l’art de la contre-attaque. Même au corps-à-corps, le plus petit et le plus léger est loin d’être le moins féroce. A chaque fois qu’il encaisse, il rend généreusement à son adversaire les coups reçus, sans oublier d’en rajouter quelques-uns.

Pacquiao vainqueur par KO ? Non, la victoire est totale, sans appel et la décision unanime mais le vaincu est resté solide sur ses jambes. Pourtant, le KO technique a plané sur le ring toute la deuxième moitié du combat. Le coupable ? Les enchaînements de Manny. La vitesse, la souplesse, l’art du déplacement, l’instinct du guerrier : tous ces éléments se combinent chez le Philippin et explosent lors de ses enchaînements, véritable armes fatales. En plein milieu du ring, Margarito se prend soudainement une série de 6 coups. Tous, ils portent et font mal. Pacquiao n’aime pas frapper dans le vide et préfère sentir l’impact de ses gants sur la chair. On commence à voir des couleurs sous l’œil droit du mexicain, Pacquiao le voit aussi. Dans son coin, Robert Garcia examine la blessure et les soigneurs font leur boulot. La coupure est sale, l’œil droit presque totalement fermé.

Jusqu’à la fin, cette blessure devient la cible privilégiée de Manny. L’arbitre interrompt à plusieurs reprises le combat et lève quelques doigts devant Margarito : « Combien de doigts ? ». Les réponses sont correctes, permettant ainsi le déroulement des 12 rounds. Tant mieux car le vaincu garde au moins la satisfaction d’avoir terminé son boulot.

La cloche sonne la fin. Tout le monde est sous le choc. Non pas surpris par la victoire logique du Philippin mais fasciné par la classe du champion, sous le charme de cet homme qui survole le noble art et se métamorphose sur le ring en super guerrier. Sous les hourras de la foule, le héros affiche le même sourire qu’en entrant dans la salle, totalement serein. Il ne porte presque aucune trace de l’affrontement qui vient de se terminer alors que Margarito porte les sévères stigmates de son défi lancé au meilleur boxeur de notre époque.

On avait annoncé une punition pour le tricheur mexicain et on l’a bel et bien eu. Mais la beauté du combat tient surtout à cette nouvelle apparition magistrale du désormais mythique Pacquiao. On termine comme on a commencé : Manny ! Manny ! Manny !

felix.cultureboxe@gmail.com

Manny ! Manny ! Manny !