Tout plutôt qu’un vrai boulot — Tex Cobb (42-7-1)

Culture Boxe

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Assis confortablement sur leurs fesses, certains petits malins semblent prendre leur pied en déversant leur fiel digital sur nos champions. J’ai beau être prévenu, tout cela me laisse pantois. Quelle époque !

Depuis son passage en pro, Tony Yoka s’en prend plein la gueule. Il a certes fait des erreurs. Malgré tout, j’ai le sentiment que les tombereaux de merde qui lui tombent dessus sont surtout le signe de l’état lamentable de la culture boxe dans notre beau pays. C’est triste, mais c’est comme ça : les gens n’y connaissent rien.

On lui a beaucoup reproché le niveau de ses adversaires. Absurde : il n’a fait que suivre une courbe d’apprentissage normale pour un prospect poids lourd. Il a eu besoin de digérer une nouvelle façon de boxer, des gants plus légers, davantage de rounds, des bonhommes qui frappent plus fort. Le problème de Yoka c’est la France. En signant avec Canal, il a été propulsé sur le devant de la scène, en main event, alors qu’il apprenait son métier. Avec le recul, on peut penser qu’il aurait dû signer à l’étranger afin de faire ses gammes loin des tristes passions nationales. Comme M’Bili à Montreal. Reconnaissons tout de même que l’offre était difficile à refuser : un énorme chèque doublé de la possibilité de faire carrière à la maison.

« Oui mais il est trop arrogant », disent les peine-à-jouir. Pour info, Tony Yoka est un boxeur professionnel. Comment pourrait-il nourrir des ambitions dans la catégorie reine sans un minimum d’égo ? Faut savoir ce que tu veux et ce que tu vaux, sous peine de te faire étaler par le premier crochet gauche venu. Ali, c’était pas le gendre idéal. Foreman, non plus. Tyson, n’en parlons pas. C’était pas des modestes. À ce niveau, tu ne peux pas entrer sur le ring en t’excusant d’exister.

Je ne suis pas son avocat. Je ne le connais pas. Je lui ai juste serré une fois la pince au bord du ring après un combat. Je n’ai aucun intérêt à être dans ses petits papiers. Je suis l’actu boxe de loin et en pointillé. La vérité c’est que je préfère lire une biographie de Joe Frazier plutôt que de regarder l’écrasante majorité des combats qui sont diffusés aujourd’hui. Peut-être qu’il ne sera jamais champion du monde. Peut-être que la marche est un peu haute. Mais que cela ne nous empêche pas de suivre cette aventure. De le soutenir. De vibrer. De rêver. Moi, j’ai envie de le voir boxer contre Carlos Takam et plus si affinités : Parker, Chisora, Ruiz, Dubois voire, soyons fou, Joe Joyce. Et si ça se passe mal, tant pis et respect : t’as perdu mais t’as tenté le coup.

Attention, c’est normal que la dernière prestation de Yoka fasse causer. Il était contracté, il manquait de relâchement, il ne lâchait pas ses coups. Il n’était pas à l’aise dans le combat de près et les accrochages. On a sans doute vu des mentons plus solides. Mais pourquoi l’insulter ? Pourquoi se réjouir de son malheur ? Vous n’avez pas envie qu’il progresse ? Qu’il se remette en question ? Qu’il se réinvente ?

Contre Bakole, j’ai eu l’impression qu’il boxait un peu à contre-emploi. A mon humble avis, il a pris trop de masse, trop misé sur un punch qu’il n’a pas forcément dans les poings et laissé de côté les déplacements qui en faisaient un excellent boxeur amateur. J’aurais voulu qu’il revienne à une boxe plus légère, plus cubaine, plus conforme à son ADN de boxeur. Quitte à te planter, autant te planter en restant fidèle à toi-même, en prenant ton pied sur le ring.

Et puis, on ne le dit pas assez, il y a quand même un certain panache à prendre Takam après Bakole. Carlos Takam, parlons-en. Quel manque de respect ! C’est pas n’importe qui, Carlos. C’est pas un tomato can, bordel de nouilles. Ça fait des années qu’il boxe au plus haut niveau. Il n’est plus de première jeunesse mais ça reste un client. Un vrai test. Makhmudov et Joe Joyce peuvent en témoigner. Le premier a pioché pour l’emporter aux points il y a six mois et le second a dû ferrailler dur avant d’arrêter Carlos. C’était il y a un an et demi. Si Carlos bat Tony, il redonne un second souffle à sa carrière, il montre qu’il est toujours là. Pour le suivre depuis une dizaine d’années, je peux vous assurer que ce n’est pas le genre de boxeur qui monte sur le ring pour prendre son chèque.

Allez, à samedi.

NZ

SI C’EST PAS TROP DEMANDER : un peu de respect pour les boxeurs