Mormeck …
Tout le donnait perdant. Tout, à un détail près. On parle de boxe. Un sport où tout est possible, où la détermination crée parfois la surprise. Cela n’a pas été le cas : Wladimir a été fidèle à lui-même, l’agressivité en plus, et le français est tombé au 4e round sans jamais l’avoir inquiété.
La journée avait pourtant bien commencé. Düsseldorf est une ville plutôt accueillante avec ses pubs, ses restaurants et son quartier historique. En ville aucune trace du combat. On a du mal à imaginer que 50 000 personnes vont se presser devant l’Esprit Arena. Pas d’affiches et encore moins de supporters dans les rues. Le quotidien national réserve un quart de page à l’évènement.
On questionne un passant.
– Vous êtes au courant pour ce soir ?
– Heu non…
– On est venu supporter Mormeck pour son combat !
– Qui ça ?
– Le combat de Klitschko !
– Ah oui, il a déjà combattu quelques fois ici. C’est une énorme machine à fric.
– Et pourquoi ici à Düsseldorf ?
– Peut-être parce qu’il y a une petite communauté d’ukrainiens en ville. Mais la majorité des fans sont allemands, et ils sont très nombreux.
Et effectivement, ils sont venus en nombre. Après avoir goûté aux spécialités locales (houblon, saucisses) on se dirige vers le stade. Impressionnant ! Le public est très varié. Plutôt qu’au connaisseur de boxe on a affaire à monsieur tout le monde. On vient en famille avec maman et petite sœur. Rigueur allemande oblige, les portes ouvrent à 19h pétantes et laissent entrer une foule ordonnée. De nombreux stands proposent des produits dérivés à l’effigie de la star ukrainienne : tee-shirts, posters, gants… Les supporters ne viennent pas voir un combat, ils viennent admirer un Klitschko.
20h, les premiers combats commencent. C’est l’hécatombe, aucun n’atteint la limite. On me dit « qu’une soirée qui commence par des KOs finit par des KOs ». Pas rassurant.
Quelques français sont éparpillés ici ou là, sans doute échappés du Parc des Princes : « Ici c’est Paris » « Pastore ». Bref, Paris est magique…
Vitali fait une apparition remarquée au micro d’un journaliste. Applaudissements.
Les jeux de lumière se mettent en route. Quelques « MormeckMormeck » fusent mais ne peuvent pas grand chose devant la foule de supporters allemands. La popularité de Klitschko a quelque chose de soviétique. On n’est pas loin du culte de la personnalité. Les spectateurs sont galvanisés par une vidéo de plus de dix minutes mettant en scène leur héros. Il est présenté façon gendre idéal en compagnie de sa famille, en vacances à la mer, à la montagne… Toujours élégant et souriant, il semble avoir conquis la ménagère allemande de moins de cinquante ans.
Voilà la clé pour réunir 50 000 personnes !
A 23h, Mormeck entre dans une salle plutôt silencieuse. Klitschko, lui, fait une entrée tonitruante au milieu d’un public acquis à sa cause.
1er round : échauffement. Wladimir semble déjà être pressé d’en finir. Mormeck tente de passer sous la garde de l’ukrainien. En vain, deux droites atteignent leur cible. Le français est éprouvé.
2e round : toujours pas de solution pour Mormeck. Une droite surpuissante percute le français et l’oblige à mettre un genou à terre. Fin de round très difficile pour lui.
3e round : la pression monte dans les tribunes. JMM semble avoir récupéré mais peine à inquiéter le champion. On se casse la voix à scander le nom de Mormeck mais on est on est bien peu de choses face à 50.000 allemands.
4e round : Mormeck se déplace bien et réussit même à toucher son adversaire. A quoi bon ? Klitschko délivre une gauche terrible puis une droite. L’arbitre arrête le combat.
A défaut d’être actif, grand et puissant, Mormeck misait tout sur un « mental d’acier » pour l’emporter face au géant ukrainien. L’envie était là mais cela n’a pas suffi. Trop grand, trop lourd, trop puissant, trop en confiance, Wladimir Klitschko n’a eu aucune difficulté à imposer sa boxe. Il conclut en 4 rounds son 20e championnat du monde, son 60ème combat et sa 50ème victoire avant la limite.
La suite pour Mormeck ?
Personne ne l’imagine repartir à l’assaut d’un titre mondial. L’âge d’abord, 39 ans, et puis comment retrouver la motivation après un tel échec ?
On espère le revoir dans le milieu pugilistique. Promoteur ? Entraîneur ?
On quitte l’Esprit Arena en se disant qu’il fallait tout de même une sacrée audace pour défier Klitschko devant son public.
De l’audace, c’est peut être ce qui manque à la boxe hexagonale aujourd’hui…
A Düsseldorf, Fred Jasseny