Tout plutôt qu’un vrai boulot — Tex Cobb (42-7-1)

Culture Boxe

 

I – Un gosse à Brooklyn

Qui est Mike Tyson ?A cette question, certains répondent en s’appuyant sur la formidable épopée médiatique du boxeur à scandales : insultes, provocations, agressions (notamment sexuelles), passé trouble dans le ghetto… Mike est une brute avide d’argent et de femmes dont le caractère explique logiquement son passage en prison entre 1992 et 1995. C’est sûr qu’à le voir s’adresser à un journaliste en criant : « T’es pas un homme. Je vais t’enculer à mort, sale tapette », ou encore mordre à deux reprises l’oreille d’Holyfield, on est prêt à créditer la thèse du monstre asocial.

Dans son cas, on peut dire qu’il est le monstre d’un Frankenstein social particulièrement acharné. Né en 1966 dans un des quartiers les plus chauds de New-York, il aperçoit seulement quelques instants un homme qu’on dit être son père et dont sa mère se sépare après de violentes disputes. Fragilisé par des problèmes pulmonaires, il est terrorisé lors de ses trajets quotidiens vers l’école où les agressions pleuvent. Et le bordel à la maison… littéralement. Sa mère se livre à des orgies dans le salon quand le jeune Tyson est dans sa chambre, tendant une oreille troublée par l’extrême vulgarité. Pas violent pour un sou, plutôt craintif, Mike n’a rien d’un roi de la bagarre et se fait même surnommer « la petite tapette » par les gamins du quartier. Pourtant, lorsqu’un « grand » brise cruellement le cou de son pigeon qu’il adore, la rage explose et terrasse l’adversaire. Mike Tyson est né, enfant de ces perpétuelles humiliations. Dorénavant, plus personne ne l’écrasera : il a compris qu’à défaut de ne plus avoir peur, il pouvait la voir briller aussi dans l’œil de ses ennemis.

Ensuite, Mike intègre brillamment l’école de la rue au sein d’une bande de voyous pré-pubères dont il est le surdoué. Leur truc : racketter les dealers, cambrioler leurs repaires. Mike fait les poches des victimes. Le jeu est dangereux qui transforme nombre de ses camarades en cadavres juvéniles. C’est la loi du ghetto où la mort règne froide comme les balles ou brûlante comme les doses qui achèvent les survivants. Mike est un miraculé.

A 13 ans, il fait son premier séjour dans l’univers carcéral et devient vite un abonné fidèle, si bien qu’on décide de l’envoyer plus loin, dans un camp pour mineur. Là, il rencontre Bobby Stewart, un boxeur qui met les gants avec les détenus en guise de thérapie. Mike se prend un méchant coup dans le plexus alors qu’il pensait plier le blanc-bec. Secoué, il supplie Bobby de lui apprendre à boxer, en vain. Mais à force d’insister, et parce qu’il se tient à carreau, le boxeur cède à sa demande. Quand la peine de Tyson s’achève, Bobby Stewart ne tient pas à le voir rejoindre le ghetto et il le recommande à celui qui deviendra le mentor du champion : Cus D’Amato. Nous sommes en 1980, Mike a 14 ans… Une deuxième naissance, un autre monstre dont le génie n’est plus la rue mais le noble art.

Bientôt, l’ascension d’un champion hors-normes… (la suite)

felix.cultureboxe@gmail.com

THE FIRST QUESTION IS “WHO AM I?” (Mike Tyson)